• Jeudi 07 mai
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  • Réflexions à gauche sur la pandémie mondiale : Gayatri C. Spivak

  • Visionnez le webinaire avec notre invitée Gayatri C. Spivak — ou écoutez-le en format podcast.

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    Série de podcasts en coopération avec le site de gauche autrichien Mosaik.

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    Toutes les fois que nous, la gauche, déclarons agir de manière solidaire, ou prétendons réinventer notre façon de faire de la politique, ou développons nos réseaux, nous tenons pour évidente la réponse à la question très compliquée de savoir qui est spécifiquement ce « nous » auquel nous nous référons. Dans cet épisode, l'universitaire Gayatri Spivak nous oblige à nous reposer cette question. Elle nous rappelle que le concept de solidarité peut rapidement se vider de son sens si nous faisons l'impasse sur la définition et l'analyse des différents contextes sociaux, économiques et politiques dans lesquels s'inscrivent les personnes que nous affirmons défendre. Nous tendons à percevoir à tort le Sud global comme un monde unifié, homogène.

    Partant de ce constat, Spivak évoque le sort tragique ancien du peuple Rohingya — un groupe ethnique apatride, à majorité musulmane, victime de génocide depuis 2017 au Myanmar. En faisant le récit des déplacements forcés et atrocités subis par ce peuple, Spivak ne raconte pas seulement l'impact de la pandémie sur l'acheminement de l'aide internationale, elle établit aussi une distinction entre la condition de migrant·e et celle d'apatride.  

    L'un des points essentiels soulevés par Spivak touche à la question de l'humanisme en temps de pandémie. Jusqu'à présent, les gens n'ont pu s'appuyer que sur l'humanité de leur propre comportement pour affronter la crise. Cependant, il nous faut bien avoir conscience du sens particulier que la classe moyenne octroie à ce type d’humanisme, lui intégrant les valeurs familiales petites-bourgeoises ainsi que ce qu'on pourrait appeler « l’idéalisme numérique ».

    Spivak explique ensuite pourquoi la question centrale actuelle est celle de la citoyenneté, avec des acteurs de la justice sociale et de l'émancipation qui agissent avant tout en tant que citoyen·ne·s puisque la variable de classe ne nous est plus accessible comme auparavant. Pour Spivak, ce n'est pas la solidarité de classe qui sera au cœur du mouvement social de notre temps. Et, si la crise pandémique nous a en effet permis d'assister à une meilleure reconnaissance de la valeur des travailleur·euse·s fournissant des services essentiels, cela ne durera pas.

    Spivak postule que nous avons transité vers un nouveau mode de production, rappelant que, selon Marx, la forme de la valeur n'était en aucun cas éternelle. Néanmoins, la gauche dispose d'une vision émancipatrice claire : la conviction simple que le capital ne doit pas être prioritaire par rapport aux êtres humains.

    Spivak aborde enfin la question polémique des subalternes et, en particulier, celle de leur capacité ou non à parler en leur nom propre. La position de Spivak à ce sujet est limpide : les subalternes possèdent la faculté de s'exprimer mais pas celle de se faire entendre. Ou, selon ses mots : « Leur acte de langage reste incomplet car l'existence de leur parole se heurte à notre incapacité à entendre. » Il convient d'envisager les subalternes à travers cette place et cette posture, puisque les personnes subalternes ne se ressemblent pas entre elles. Si nous ne parvenons pas à identifier les subalternes, c'est parce qu'il n'existe pas de généralisation possible.

     

    Gayatri Chakravorty Spivak, universitaire indienne, théoricienne de la littérature et féministe critique. Elle est professeure à l'université Columbia et membre fondatrice de l'Institute for Comparative Literature and Society. Militante de l'éducation rurale et des mouvements sociaux féministes et écologiques depuis 1986. Ses écrits critiques incluent En d'autres mondes, en d'autres mots – essais de politique culturelle, Payot, 2009 (traduit de In Other Worlds : Essays in Cultural Politics, 1987), The Post-Colonial Critic (1990), Thinking Academic Freedom in Gendered Post-Coloniality (1992), Outside in the Teaching Machine (1993), A Critique of Postcolonial Reason (1999), Death of a Discipline (2003), Other Asias (2005), et Readings (2014). Spivak a reçu en 2013 le Padma Bhushan, qui est l'une des plus hautes distinctions civiles de la République de l'Inde.

    interviewée par
    Monika Mokre, politologue et militante sur les questions de migration, d'asile et d'emprisonnement. Elle travaille depuis 1991 comme chercheuse à l'Académie autrichienne des sciences (ÖAW). Depuis 2009, elle occupe aussi un second poste à l'Institut d'études culturelles et d'histoire théâtrale de l'ÖAW. Elle donne des cours dans diverses universités, notamment à l'Institut de management culturel et d'études culturelles de l'Université de musique et des arts du spectacle ainsi qu'à l'université Webster de Vienne. Elle est présidente de l'eipcp, Institut européen pour des politiques culturelles en devenir, ainsi que membre de plusieurs comités et groupes consultatifs dans les affaires culturelles et éducatives.
    débat modéré par 
    Angelina Giannopoulou, facilitatrice à transform! europe pour le programme « Intégration européenne et perspectives stratégiques de la gauche radicale ».

     

    transform! europe, le réseau européen des fondations politiques et think tanks de la gauche radicale, présente une série d'entretiens avec des penseuses et penseurs de gauche pour débattre de questions essentielles et préparer l'avenir que nous avons l'ambition de construire. Les interviews se déroulent via Zoom et sont ouverts au public sur inscription. En seconde partie d'entretien, l'invité·e répond aux questions posées par les membres du public.


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