Quel journalisme pour une autre Europe ?

Ce séminaire d’une journée, organisé par l’ACJJ (Association Culturelle Joseph Jacquemotte) avec le soutien de transform! s’est déroulé à l’IHECS (Institut des Hautes Études des Communications Sociales) à Bruxelles. Des journalistes de France, de Grèce, d’Italie, d’Espagne, de Finlande, de Belgique et d’Irlande ont pu se rencontrer et échanger leurs regards sur l’information européenne pour dégager des pistes sur la façon dont les médias peuvent :

– Mettre en perspective les décisions européennes avec les enjeux locaux et nationaux ;

– Donner aux citoyens une clé de lecture pour comprendre les questions politiques européennes ;

– Impliquer des citoyens avertis, dans le débat public européen

Session 1 : Introduction

Modératrice : Laura Leprêtre, animatrice culturelle ACJJ

« L’Europe, la grande absente » : Panorama du journalisme européen grand public

Lorenzo Consoli, journaliste européen de l’Italie, ancien président de l’API (Association internationale de la presse) a souligné que le nombre de journalistes accrédités auprès de l’Union européenne a stagné depuis 2010. Les conditions de travail et la situation sociale des journalistes européens se transforment (contrats d’intérim, les journalistes sont plus jeunes, plus précaires). Par ailleurs, les rédactions demandent aux journalistes de produire plus vite et plus, ce qui n’est pas propice à une analyse et à des enquêtes approfondies.

Le pluralisme des médias en EuropeEsther Durin, coordinatrice du Pôle européen IHECS, a souligné le problème de la concentration des médias au sein de monopoles financiers qui ont fortement sapé le pluralisme des médias en Europe et le pluralisme des idées.

Journalisme européen au quotidien : le cas de la Grèce sous le régime de la souveraineté limitée par la Troïka. Selon Maria Aroni, journaliste grecque correspondante à Bruxelles EU Athens News Agency et ANT1 TV, la crise en Grèce a attiré l’attention des médias sur ce pays qui n’avait pas l’habitude d’être sous le feu des projecteurs. Le traitement de la crise grecque a été très différent selon les médias et le pays d’origine de ces médias. La responsabilité du peuple grec était prédominante dans les journaux des pays d’Europe du Nord, il y avait plus de solidarité dans les médias d’Europe du Sud.

Session 2 : Echange d’expériences pour un autre journalisme européen

Table ronde « Quel type de média pour répondre aux enjeux citoyens de l’information européenne ? »

* Modératrice : Esther Durin, coordinatrice du pôle Europe IHECS.

* Média généraliste Griselda Pastor, journaliste espagnole, correspondante à Bruxelles pour la radio Cadena SER

* Média coopératif Andres Perez, agence coopérative Sanchopanza

* Media alternatif Gérard de Selys, journaliste, fondateur d’Indymedia

* Media internet Ben Berges, du site Indignez-vous !

* Journal en ligne Jean-Sébastien Lefebvre, journaliste européen pour contexte.com

L’accès à l’information n’a jamais été aussi facile qu’aujourd’hui. Avec Internet et les médias sociaux, le citoyen européen peut accéder à une grande quantité d’informations sur l’Union européenne et communiquer directement avec les institutions. De nouvelles formes de médias apparaissent tels que les blogs, les journaux en ligne, etc Paradoxalement, l’écart continue de se creuser entre les institutions européennes et les citoyens. Le déficit démocratique de l’UE semble amplifié du fait du manque d’information sur les questions de pouvoir européen. Cet écart est très préjudiciable aux citoyens, car une grande partie des questions sociales, politiques et économiques sont décidées au niveau européen.

Le rôle du journaliste est de déchiffrer l’information européenne, la recherche d’informations en rencontrant députés, lobbyistes, fonctionnaires de la Commission, et aller à la revue de presse de milieu de journée de la Commission… Malheureusement, il n’y a pas assez de journalistes accrédités au niveau européen (seulement 1000 pour 28 États membres ), et les éditeurs de médias traditionnels imposent à leurs journalistes les informations qu’ils veulent voir publier sur l’Union européenne.

Des citoyens et d’anciens journalistes des grands médias ont participé à la création de médias alternatifs ou de médias spécialisés qui cherchent, comme le site Indymedia par exemple, à analyser les politiques européennes et internationales et à les mettre en perspective avec les questions d’intérêt public. Diverses initiatives ont été présentées telles que : Context.com, un journal en ligne, spécialisé sur la politique européenne, des agences coopératives ou des associations spécialisées dans les enquêtes sociales et communautaires ( sanchopanza coop ), des radios abordant l’information européenne concernant les questions locales (radio BXFM ), des stations de radio communautaire qui proposent aux citoyens de faire leur propre émission de radio (Radio Panik ) et des sites d’information en ligne ( Indignez-vous ). Ces médias sont essentiels pour le pluralisme de l’information européenne.

Session 3 : Elections européennes, comment susciter un vrai débat parmi les citoyens ?

* Solange Hélin, attachée de presse pour le groupe S&D au Parlement européen

* Myriam Djegham, Comité Action Europe

* David Lundy, attaché de presse pour le groupe GUE/NGL au Parlement européen

* Mikael Carpelan, journaliste indépendant.

Politiser les élections européennes est très difficile. Le fait d’avoir 28 Etats membres ayant des cultures très diverses ainsi que des courants politiques différents ne facilite pas la politisation des questions européennes. Les institutions « neutralisent » les décisions. Cette forme de neutralité est dangereuse, car sous couvert d’objectivité, nous constatons la prédominance des politiques ultra-libérales et capitalistes. En mai 2014, les élections au Parlement européen peuvent être l’occasion d’ inverser la tendance. Le défi pour les médias est de rendre perceptible le lien entre les problèmes locaux et le pouvoir européen, l’impact de ces derniers sur la vie quotidienne des citoyens et de leur donner les clés pour être en mesure de participer et de voter en connaissance de cause.