L’Europe que nous voulons

La crise économique continue a révélé à la fois les insuffisances et les limites du processus de l’intégration européenne néolibérale. Il s’agit d’une intégration centrée sur la libéralisation financière et une Union monétaire, elle-même incarnée par une simple réplique de la Bundesbank allemande, sous le titre "Banque centrale européenne. Il s’agit d’un processus de polarisation et de récession qui accentue les inégalités et asymétries au sein et entre les Etats-membres, qui ajoute au chômage et propage la pauvreté aux classes sociales inférieures. Cela a été plus une avalanche du capital contre le travail qu’une entreprise honnête pour résoudre rapidement la crise.
Ce qui s’est passé réellement, c’est que l’establishment politique européen a vu dans la crise l’occasion de réécrire l’économie politique de l’après-guerre en Europe. La gestion politique de la crise des dettes souveraines dans la zone euro s’est elle-même inscrite dans le processus de transformation institutionnelle de la zone euro du Sud de l’Europe selon les orientations du capitalisme anglo-saxon. La diversité des institutions nationales n’est pas tolérée. Le renforcement de la règle politique est la pierre angulaire de la législation récente de la Commission européenne pour améliorer la gouvernance économique dans la zone euro. La chancelière Angela Merkel en Allemagne, alliée à une élite bureaucratique néolibérale à Bruxelles, considère la solidarité sociale et la dignité humaine comme des distorsions économiques et la souveraineté nationale comme une nuisance. L’Europe est obligée de porter le carcan de l’austérité, de la discipline et de la déréglementation. Pire encore, une génération de jeunes s’attendent à être moins bien lotis que leurs parents.
Ce n’est pas notre Europe. Ce n’est que l’Europe que nous voulons changer.  En lieu et place d’une Europe de la peur du chômage, de l’invalidité, de la vieillesse et de la pauvreté. En lieu et place d’une Europe au service des besoins des banquiers. Nous voulons une Europe au service des besoins humains.
Nous voulons la réorientation démocratique et progressiste de l’Union européenne. Mettre fin au néolibéralisme, à l’austérité et à ce qu’on appelle les sociétés européennes des deux-tiers, où un tiers de la société se comporte comme s’il n’y avait pas de crise économique et les deux autres tiers souffrent tous les jours, de plus en plus. La gauche européenne a la vision et le courage de construire un consensus social plus large en faveur de l’objectif programmatique de reconstruire l’Europe sur une base démocratique, sociale et écologique.
C’est le contexte politique de ma candidature à la présidence de la Commission européenne, au nom du Parti de la gauche européenne. Il explique pourquoi il ne s’agit pas juste d’une autre candidature. Il s’agit, au contraire, d’un mandat d’espoir et de changement en Europe. Il s’agit d’un appel pour mettre fin à l’austérité, sauvegarder la démocratie et de travailler pour la croissance. Il s’agit d’un appel à tous les citoyens démocrates et sensibles en Europe, indépendamment de leur idéologie et de leur appartenance à un parti politique. Parce que, comme toute la zone euro sombre dans la récession, la stagnation économique ou la croissance anémique et sans création d’emploi, il en est de même des gens, à la fois dans le Sud et dans le Nord. Ainsi, la réaction à l’austérité transcende les États-nations et regroupe les forces sociales au niveau européen. L’austérité nuit aux salariés, quelle que soit leur résidence. Pour cette raison, nous devons intégrer l’indispensable alliance anti-mémorandums du Sud dans un vaste mouvement européen anti-austérité. Un mouvement pour la reconstruction démocratique de l’Union monétaire.
La gauche européenne est la principale force politique de changement en Europe. 
Nous soutenons l’abrogation immédiate des mémorandums et la relance coordonnée de l’ensemble des économies européennes.
Nous voulons une véritable Banque centrale européenne, agissant comme prêteur en dernier ressort, non seulement pour les banques mais aussi pour les Etats.
Nous pensons que l’Europe a besoin de sa propre loi Glass-Steagall, afin de séparer les activités commerciales et d’investissement des banques et empêcher la fusion dangereuse de risques en une seule entité incontrôlée.
Nous voulons une législation européenne efficace pour taxer les activités économiques et entrepreneuriales offshore.
Nous sommes à la pointe de la lutte contre la corruption sous toutes les formes.Notre priorité est de lutter contre la corruption dans les entreprises et de renforcer la capacité des personnes et des organisations à y résister. La corruption de la part des grandes entreprises, qui ont leur siège dans les grands pays européens, entraîne un coût économique et social pour les populations de ces pays aussi.
Nous soutenons la résolution collective, crédible et définitive de la crise de la dette de la zone euro à travers une Conférence européenne de la dette, comme la Conférence de Londres sur la dette de l’Allemagne en 1953.
Nous nous efforçons d’affaiblir le fascisme et le nazisme en Europe, au lieu d’affaiblir la démocratie, comme l’austérité le fait.En lieu et place d’une Europe qui redistribue les revenus aux riches et la peur aux pauvres, nous proposons notre propre Europe de la solidarité, de la sécurité économique et sociale, de l’emploi et de la prospérité.

* Source: http://www.neurope.eu/article/europe-we-want (par Alexis Tsipras 13/01/2014 – 01:26)