La campagne d’Alexis Tsipras sur Internet. En quoi cela devrait nous inspirer

Nous allons ici en faire un bref compte rendu et essayer d’en tirer une perspective pour l’avenir. Une analyse approfondie sera présentée à l’Université d’été de la Gauche européenne à Werbellinsee le 26 Juillet.

Pourquoi les médias sociaux sont-ils la clé?

Le présupposé principal était que les médias dominants tels que les chaînes et les journaux télévisés traditionnels minimiseraient la campagne de la gauche européenne, au niveau national et européen. En effet, les médias sont liés à aux institutions financières et politiques et ont tendance à rejeter nos propositions comme non-pragmatique, irréalistes et même extrémistes. En France et en Italie, par exemple, nos camarades du Front de Gauche et d’Altra Europa ont été marginalisés dans les médias traditionnels et en Grèce, la propagande contre Syriza, une fois de plus, a été massive.
C’est pourquoi, l’équipe de campagne des médias sociaux d’Alexis Tsipras a fait les hypothèses suivantes:
– Internet est le seul moyen permettant d’atteindre les gens à travers les frontières et dans toute l’UE.
– Les médias sociaux seraient largement utilisés par les institutions européennes dans leurs efforts pour créer un espace virtuel de dialogue politique pour ces élections.
– La campagne d’Alexis nécessitait de se baser sur des méthodes permettant un ancrage en profondeur pour lutter contre les campagnes aux moyens financiers importants et professionnellement organisées de ses adversaires.
– Occupy Wall Street et les Indignados nous ont appris qu’il est possible de se connecter à la mobilisation virtuelle des espaces et des événements politiques physiques.
– Une masse critique d’utilisateurs en ligne diffusant le message d’Alexis pourrait fournir une alternative à l’exclusion des médias de masse.

Gagner les élections en ligne

La décision de s’appuyer essentiellement sur ​​Internet tout au long de la campagne afin de sensibiliser non seulement à la candidature d’Alexis, mais à l’ensemble de la gauche européenne s’est avérée juste. En faisant ainsi l’équipe de campagne d’Alexis a produit un patrimoine qui pourrait constituer la base sur laquelle la gauche européenne pourrait construire de nouveaux succès dans l’avenir.
En effet, Alexis était le candidat a été le plus discuté et commenté sur le web. Nous pensons que cette efficacité en ligne, combinée à la dynamique politique d’ensemble de la campagne – qui a vu émerger une demande de plus en plus populaire d’en finir avec les politiques d’austérité à travers l’Europe -, a été la principale raison du succès électoral de la gauche européenne.

Une stratégie en ligne pour la gauche

La stratégie de la campagne d’Alexis sur le web a été basée sur deux axes principaux : d’abord, utiliser des méthodes de base en harmonie avec les mouvements sociaux afin de générer la participation spontanée ; deuxièmement, coordonner autant que possible les efforts à l’échelle internationale. Ainsi les comptes d’Alexis sur Twitter et Facebook, et dans une moindre mesure sa page d’accueil, ne sont que les plates-formes centrales qui reliaient les comptes officiels, personnels et non officiels dessinant la carte en ligne de la gauche européenne.
L’image d’Alexis a été utilisée pour amplifier le message des camarades à travers l’Europe. En substance, il n’y avait pas que des campagnes locales pour soutenir un candidat, mais aussi le candidat soutenant toutes les campagnes locales et appelant les camarades des différents pays à se soutenir mutuellement grâce à une interconnexion constante et à des événements transnationaux occasionnels en ligne. Par exemple #primalapersone est le slogan sous lequel Altra Europa a fait campagne en Italie mais il a été vite répandu dans différentes sphères Twitters de toute l’Europe. Quand Angela Merkel est revenue à Athènes, nous avons fait campagne dans les différents pays sous #wearealltroublemakers etc.

Un modèle décentralisé de coordination

Le travail qui a été fait en essayant de créer une conscience commune chez les militants, sympathisants et membres de parti s’est cristallisé au cours de la soirée de débat qui a eu lieu le 15 mai à Bruxelles. La gauche européenne a réussi à dominer non seulement dans le débat à l’intérieur du Parlement européen à travers l’excellente présence d’Alexis Tsipras, mais aussi en ligne, en orientant le vote direct des médias sociaux de notre côté et en montrant l’engagement concret de nos supporters. On a vraiment pu voir comment nos réseaux officiels et officieux se sont coordonnés pour un « hack » de l’événement et bien sûr, il ne s’est pas produit par hasard.
Le travail effectué à la périphérie de ce champ électoral hybride a marqué les médias, la perception des électeurs européens de la gauche en général et d’Alexis Tsipras en particulier et probablement influencé l’ensemble du processus électoral. La campagne de la gauche radicale s’est présentée comme une campagne populaire, jeune, fraîche et pro-européenne dans un champ d’exclusions, de doutes et de scepticisme. Elle a constitué un cadre transnational qui a renforcé les campagnes nationales et, parallèlement, au niveau européen, a bénéficié des d’actions locales. Elle a réussi à rassembler des communautés authentiques autour des comptes officiels et à s’articuler aux mouvements sociaux tels que l’initiative de #Vote4water contre la privatisation de l’eau dans la ville de Thessalonique.
Il y a beaucoup à faire pour établir des liens pérennes et solides entre les différents partis, mouvements et initiatives à travers l’Europe. La campagne en ligne des élections européennes de 2014 devrait servir de guide et d’inspiration pour d’autres mesures afin de parvenir à une autre Europe. C’est parce que, si nos adversaires possèdent les médias, nous pouvons nous appuyer sur internet.

Co-auteur: Nikos SMYRNAIOS, sociologue et théoricien des médias.
Toutes les données ont été traitées par Nikos SMYRNAIOS et Pavlos Kazakopoulos.