Notes sur le révisionnisme historique dans l’Union européenne

La responsabilité historique particulière de l’Allemagne est régulièrement invoquée, — mais aussi réinterprétée, notamment dans le cadre de la guerre en Ukraine. Beaucoup, comme l’ancien président fédéral Joachim Gauck, réclament un rôle leader de l’Allemagne, et revisitent l’histoire européenne à partir de la thèse du totalitarisme.

En matière de formulation des positions de politique étrangère, on occulte  presque toujours les contextes historiques et l’évolution des 30 dernières années, autrement dit, on échoue à appréhender la politique comme un processus incluant à la fois ses actions et les réactions engendrées, avec prise en compte des intérêts de toutes les parties concernées. Pas en Allemagne. En tant que puissance économique majeure de l’UE, l’Allemagne devrait endosser selon certains un rôle de premier plan qui soit aussi politique, et qui ne soit plus restreint sur le plan militaire.

Au contraire. À la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, guerre enfreignant le droit international, l’Allemagne est par exemple devenue l’un des principaux fournisseurs d’armes de l’Ukraine.

Réorientation de la politique étrangère allemande

En 2021, comme sous les gouvernements antérieurs, l’accord de coalition gouvernemental allemand décrivait la Russie comme un acteur international majeur et pointait l’importance de relations substantielles et stables avec elle. La décision d’engager le dialogue avec un État autoritaire doit être fondée sur des critères de valeurs et arrimée aux principes de droit international, de droits humains, d’ordre de paix en Europe ainsi qu’aux intérêts et « en particulier aux inquiétudes de nos partenaires étatiques d’Europe centrale et orientale », dont la « perception de la menace » russe, généralement différente, devrait d’ailleurs être prise en compte dans le cadre de la défense fédérale allemande et des alliances de l’Allemagne. Il est donc nécessaire d’entretenir une politique de dissuasion crédible, tout en engageant le dialogue. L’accord de coalition réclame la « fin immédiate des tentatives de déstabilisation de l’Ukraine, des violences dans l’Est de l’Ukraine et de l’annexion de la Crimée qui est une violation du droit international ».

Trois mois après la publication de cet accord de coalition passé entre partis de gouvernement, le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine. Trois jours plus tard, le chancelier fédéral Olaf Scholz (SPD) parlait d’un tournant historique et en tirait comme conséquence cinq propositions d’action pour l’Allemagne :

1) soutenir l’Ukraine, y compris par les armes ;

2) mettre fin à la guerre grâce à des sanctions, y compris des sanctions massives ;

3) prendre garde à ce que la guerre ne s’étende pas — mais si cela devait se produire, alors l’Allemagne accomplirait son devoir en volant au secours des autres membres de l’alliance transatlantique ;

4) monter le volume des dépenses militaires annuelles (actuellement de 70 milliards d’euros) à plus de 2 % du PIB et doter de 100 milliards d’euros un fonds spécial destiné à la modernisation de la Bundeswehr ;

5) opérer un changement radical dans le domaine de la politique énergétique.

Sur tous ces points, Scholz peut s’appuyer sur les propos du président ukrainien Volodimir Zelensky qui avait invoqué la responsabilité historique de l’Allemagne envers l’Ukraine devant le Bundestag, réclamant de l’Allemagne qu’elle fournisse des armes.

Mais il existe une autre lecture possible de la responsabilité historique européenne de l’Allemagne : « Nous avons besoin d’une offensive politique en faveur du désarmement et voulons tenir un rôle leader dans le renforcement des initiatives internationales de désarmement et de non-prolifération, y compris l’initiative de Stockholm pour le désarmement nucléaire, », pouvait-on lire dans l’accord de coalition passé entre le SPD, les Verts et le FDP.

De la responsabilité historique de l’Allemagne

L’histoire fait partie de la conscience individuelle et collective, et crée de l’identité. Elle sert à affirmer des normes et valeurs, à légitimer le pouvoir en place et les revendications de leadership, enfin à dérouler des perspectives pour l’avenir.

Tout ceci vaut aussi pour l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, dont l’invasion de la Pologne par la Wehrmacht allemande le 1er septembre 1939 marqua le début. L’invasion du Danemark et de la Norvège avait suivi peu après, puis l’invasion des pays du Benelux, de la France, des Balkans et des pays d’Afrique du Nord. Puis vint la guerre contre l’Union soviétique, commencée le 22 juin 1941 et que l’Allemagne avait entreprise comme une guerre d’extermination violant tous les principes d’humanité et de droit international : dans l’ancienne URSS, jusqu’à 27 millions de gens ont perdu la vie, plus de 1 700 villes et 70 000 villages ont été rayés de la carte. Des 3,35 millions de prisonniers de guerre soviétiques, près de 60 % ont péri dans des camps de concentration nazis en janvier 1942 (Hellbeck 2021). Il est du devoir des démocrates d’Allemagne et d’Europe de préserver la mémoire de ces crimes commis par le fascisme allemand.

Cette responsabilité historique a conduit le gouvernement de la République fédérale allemande, en tant que membre de l’UE et de l’alliance transatlantique, à poursuivre une politique restrictive sur le plan militaire pendant de longues années. Lorsque le rôle économique et politique de l’Allemagne s’est modifié après 1990, puis encore après la crise financière et économique des années 2008-2010, de laquelle l’Allemagne est ressortie plus forte que ses partenaires européens, le président fédéral de l’époque Joachim Gauck avait appelé à en finir avec la politique allemande de restriction militaire en 2013 à la Conférence sur la sécurité de Munich. En tant que puissance dominante de l’UE en matière économique, l’Allemagne avait abandonné depuis bien longtemps déjà toute autorestriction sur cet autre terrain, poussant à l’européanisation de la politique d’austérité germanique au travers d’instruments européens nouvellement créés tels que la Pacte de croissance et de stabilité et les seuils maximum d’endettement. Ce rôle de premier plan devrait aussi désormais selon Gauck se développer sur la scène politique et, conjointement avec la France, sur le plan militaire.

Aussi l’accord de coalition du gouvernement fédéral composé du SPD, des Verts et du FDP annonçait-il : « Nous avons conscience de la responsabilité mondiale de l’Allemagne en tant que quatrième plus grande économie au monde. Nous assumons cette responsabilité et, dans le cadre de notre politique étrangère, de sécurité et de développement, nous renforcerons et refonderons nos partenariats, et nous agirons pour la défense de nos valeurs de liberté, de démocratie et de droits humains. » (SPD/Die Grünen/FDP 2021, 104). Autrement dit, une puissance économique mondiale induit une responsabilité mondiale.

« Nous sommes l’économie la plus forte de l’Union européenne. Nous sommes avec les Américains l’une des économies les plus fortes de l’OTAN. Cela entraîne que nous avons une responsabilité particulière », déclarait la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock (Die Grünen, parti écologiste) dans une interview accordée au lendemain du discours du président ukrainien (Baerbock 2022).

Parallèlement à cette évolution allemande, un processus de réinterprétation de l’histoire s’est déroulé aussi au niveau européen.

Révisionnisme historique européen

À l’occasion du 60e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, une déclaration du Parlement européen datée du 8 mai 2005 avait commémoré les victimes de la dictature nazie, en particulier de l’Holocauste, et s’était souvenu avec gratitude de celles et ceux qui « ont contribué à la libération du national-socialisme, un système inhumain et tyrannique, libération symbolisée par ce 8 mai 1945. » (PE 2005).

À peine quelques mois plus tard, faisant référence à la longue existence de « régimes communistes totalitaires d’Europe centrale et orientale » qui avaient été « marqués sans exception par des violations massives des droits de l’homme », une résolution 1481 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe invoquait de son côté la « nécessité d’une condamnation internationale des crimes des régimes communistes totalitaires » (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, APCE 2006). Ces crimes « variaient selon la culture, le pays et la période historique, incluaient les assassinats et les exécutions, qu’ils soient individuels ou collectifs, les décès dans des camps de concentration, la mort par la faim, les déportations, la torture, le travail forcé et d’autres formes de terreur physique collective, les persécutions pour des motifs ethniques ou religieux, les atteintes à la liberté de conscience, de pensée et d’expression et à la liberté de la presse et l’absence de pluralisme politique. ». (APCE 2006, paragraphes 3 & 5)

C’est pourquoi la résolution 1481 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe fait référence aussi à la résolution antérieure de la même assemblée adoptée dix ans plus tôt (27 juin 1996) et qui concernait les mesures à prendre pour éliminer l’héritage des anciens systèmes communistes totalitaires. Les mesures recommandées dans cette résolution antérieure pour surmonter l’héritage communiste incluaient, au niveau institutionnel, l’injonction d’éliminer « la militarisation des institutions civiles, la bureaucratisation, la monopolisation, l’excès de réglementation » mais aussi, au niveau sociétal, « [le] collectivisme, [le] conformisme [et] l’obéissance aveugle et […] autres modes de pensée totalitaires ». L’enjeu est de créer des démocraties pluralistes fondées sur la primauté du droit par une restructuration des systèmes juridiques, le respect des droits humains et le pluralisme économique, la démonopolisation et la privatisation, afin de créer une économie de marché et une société pluraliste (APCE, 1996). La propriété confisquée par les systèmes totalitaires (dont la propriété détenue par les Églises) « devrait être par défaut restituée intégralement à ses anciens détenteurs » (Deutscher Bundestag, 1996, un rapport détaillé sur les débats à l’APCE concernant la Résolution 1096). Si cela s’avère impossible, une compensation doit intervenir. Cependant, les très controversées lois de lustration, c’est-à-dire les lois pour évincer de la fonction publique celles et ceux qui avaient coopéré avec les services secrets sous les régimes socialistes, doivent, de même que « les mesures administratives analogues » être « compatibles avec les exigences d’un Etat de droit » (APCE 1996). En fait, la résolution de 1996 et, en particulier, les principes directeurs initialement envisagés pour la rédaction de lois nationales de lustration (APCE 3 juin 1996), dépassent largement le cadre de la défense des principes européens, a défendu devant le Bundestag le député CDU Ulrich Junghanns, qui a réclamé de ce fait le retrait des principes directeurs en question (Bundestag, 1996) au motif que les droits et obligations des États membres du Conseil de l’Europe déjà en vigueur suffisent.(Bundestag 1996).

Mais la bataille contre les régimes totalitaires aux niveaux tant européen que national s’est poursuivie. En 2008, Václav Havel, alors président de la République tchèque et militant des droits civiques, et Joachim Gauck, commissaire fédéral allemand pour les archives de la STASI devenu par la suite président de l’Allemagne fédérale, organisèrent, sous le haut patronage d’Alexandr Vondra, alors vice-Premier ministre délégué aux Affaires européennes de la République tchèque, la Conférence de Prague sur « la conscience européenne et le communisme ». La déclaration finale de la conférence — dans la droite ligne des déclarations du Conseil de l’Europe de 1996 et 2006 — réclame de « parvenir à une compréhension paneuropéenne que les régimes totalitaires nazi et communiste doivent chacun être jugés en fonction de leurs terribles mérites pour être destructeurs par leurs politiques d’application systématique des formes extrêmes de terreur, de suppression de toutes les libertés civiques et humaines, et pour avoir commis des guerres d’agression, en tant que partie inséparable de leurs idéologies, exterminant et déportant des nations et des groupes de population entiers ; et qu’en tant que tels, ils devraient être considérés comme les principaux désastres qui ont ravagé le XXe siècle » (déclaration de Prague, 2008).

Les crimes commis au nom du communisme devraient « être qualifiés de crimes contre l’humanité » « de la même façon dont les crimes nazis ont été qualifiés devant le tribunal de Nuremberg ». Des dispositions juridiques devraient être introduites pour permettre aux cours de justice de juger et condamner les auteurs des crimes communistes et de compenser les victimes du communisme. La déclaration appelle à la « reconnaissance du communisme comme partie intégrante et effroyable de l’histoire commune européenne » ainsi qu’à « l’acceptation d’une responsabilité paneuropéenne des crimes commis par le communisme ». C’est pourquoi la Déclaration de Prague réclame que le 23 août, date anniversaire du pacte Hitler-Staline connu sous le nom de pacte Molotov-Ribbentrop, soit institué comme journée du souvenir pour les victimes des régimes totalitaires à la fois nazis et communistes. Le 23 septembre 2008, la majorité du Parlement européen a voté en faveur de la proposition et instauré ce jour de commémoration. Entre autres, la Déclaration de Prague a reçu le soutien du Premier ministre français Nicolas Sarkozy, de Margaret Thatcher et de l’ancien conseiller à la sécurité nationale des États-Unis Zbigniew Brzezinski. Elle a toutefois été virulemment critiquée par, entre autres, le centre Simon-Wiesenthal qui a accusé les auteurs de la Déclaration de Prague de relativiser l’Holocauste. Également, le professeur lituanien de philosophie et député européen libéral Leonidas Donskis a décelé une banalisation de l’Holocauste dans la Déclaration de Prague, et a rappelé que le but du national-socialisme a été l’extermination complète de tous les Juifs du monde entier. L’Holocauste a été un événement unique « pas seulement à cause de sa rapidité, de ses pratiques terrifiantes et de ses méthodes industrielles d’extermination, mais aussi par sa détermination à accomplir la Solution finale jusqu’à ce qu’il n’y ait plus une seule personne juive sur terre. » (Donski 2008).

Malgré ces critiques, en 2010, plus de 40 europarlementaires de différents partis politiques du Parlement européen ont fondé un groupe informel, le « Groupe de réconciliation des histoires européennes » (REHG, Reconciliation of European Histories Group). Parmi les tâches de ce groupe figurait « la convergence des points de vue de toute l’Europe [sic!] sur l’histoire du XXe siècle » et, après la disparition du rideau de fer, l’enjeu de se tourner vers « notre vraie histoire » en Europe pour « élaborer une approche commune en ce qui concerne les crimes des régimes totalitaires, entre autres le régime totalitaire communiste de l’URSS, pour assurer la continuité du processus d’évaluation des crimes totalitaires et un traitement équitable et non-discriminant des victimes de tous les régimes totalitaires » (Janssen, 2013). « L’UE a des pouvoirs limités pour traiter ces questions « par en haut ». Toutefois, elle peut favoriser ce processus autant que possible en facilitant les discussions et en offrant des occasions d’échange et de dialogue » (ibid.). C’est exactement ce qui a été mis en œuvre dans les années suivantes. En décembre 2010, la Commission européenne a adopté des mesures visant à commémorer les crimes commis par les régimes totalitaires en Europe. En octobre 2011, diverses institutions à caractère académique ont fondé la plateforme « Mémoire et conscience européennes », Platform of European Memory and Conscience (Janssen 2018). La plateforme regroupe des institutions et organisations de pays de l’UE œuvrant sur le thème des régimes totalitaires dans les domaines de la recherche, de la documentation des crimes et des campagnes de sensibilisation. Des voix se sont fait entendre pour réclamer la création d’un « tribunal supranational pour les crimes internationaux commis par les communistes ». Plus tard, il y a eu encore la Déclaration de Varsovie du 23 août 2011 portant condamnation des crimes communistes et, le 23 août 2018, une déclaration conjointe de représentants gouvernementaux des États membres.

En 2019, 80 ans après l’invasion de la Pologne par la Wehrmacht allemande, le Parlement européen a adopté une résolution grâce aux votes des conservateurs, des libéraux, des sociaux-démocrates et des verts, qui décrivait cette guerre d’extermination comme une « conséquence immédiate » du pacte Molotov-Ribbentrop, « dans le cadre [duquel] deux régimes totalitaires ayant tous deux l’objectif de conquérir le monde se partageaient l’Europe en deux sphères d’influence » (PE 2019a). Quatre-vingts ans après l’invasion de l’Union soviétique et environ dix ans après la Déclaration de Prague, « le fascisme s’efface devant l’anticommunisme » (Kriese 2019). Les efforts du pouvoir russe en place « pour déformer les faits historiques et blanchir les crimes commis par le régime totalitaire soviétique » sont considérés comme « un élément dangereux de la guerre de l’information qui est menée contre l’Europe démocratique et qui cherche à diviser notre continent » (PE 2019a, point 16). La société russe est appelée à « accepter son passé tragique » (PE 2019a).

Outre la distorsion intolérable de l’histoire dans cette résolution du Parlement européen sur l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe, cette résolution a en réalité pour arrière-plan essentiel une « âpre dispute entre les politiques historiques contemporaines polonaise et russe, mais aussi l’ignorance persistante par l’Europe occidentale des débats historiques et des politiques de l’histoire à l’œuvre en Europe de l’Est. »(Kriese 2019). Cependant, un autre aspect mérite qu’on s’y attarde, à savoir la proposition de résolution du PE du 17 septembre 2019, même si celle-ci n’a finalement pas été adoptée. La motion rejetée stipulait en effet que seule l’adhésion des pays d’Europe centrale et orientale à l’UE et à l’OTAN permettrait à ces pays le retour dans « la famille européenne des pays libres et démocratiques » (PE 2019b). Le « projet européen de paix et d’intégration ne sera achevé que lorsque tous les pays européens qui choisissent la voie des réformes européennes, tels que l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie, seront devenus des membres à part entière de l’Union européenne » (ibid.). Cela pourrait de plus constituer « l’instrument le plus puissant, par la force du précédent, pour favoriser une transformation positive en Russie, ce qui, à son tour, permettrait à la Russie de surmonter enfin les conséquences tragiques du pacte Molotov-Ribbentrop » (ibid.). Ces phrases n’ont pas bénéficié d’un vote à la majorité au Parlement européen.

Quelles conséquences ?

Non, les politiques de l’histoire n’ont jamais été neutres. La déformation constante de l’histoire, le totalitarisme en tant que « paradigme architectonique » (Kriese 2019), sont visibles tant en théorie qu’en pratique à la Maison de l’histoire européenne à Bruxelles, et transmis à des millions de visiteurs et visiteuses comme étant l’histoire européenne. Mais il ne s’agit pas là que d’histoire.

L’enjeu, c’est la confrontation actuelle aux faits historiques, l’histoire dans ses développements contradictoires ou la perception sélective et simplificatrice de l’histoire et le recours à celle-ci en tant que récit politique destiné à légitimer les actions présentes, à multiplier ou à restreindre les options politiques disponibles.

la thèse du totalitarisme accepte la relativisation de l’Holocauste. Elle se base sur un anticommunisme profondément ancré qui est relié aux nouvelles figures impériales de la Russie et de la Chine.

Dans une situation périlleuse pour toute l’Europe et le monde entier, telle qu’elle a été engendrée par l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, l’approche actuellement empruntée rend l’amorçage des pourparlers de paix encore plus difficile.

Martin Schirdewan a raison d’affirmer qu’« il est bien de se confronter à l’histoire. Cependant, c’est une erreur de vouloir instrumentaliser l’histoire en recourant à la théorie du totalitarisme, comme certaines personnes essaient de le faire ici dans cette Maison [le Parlement européen]. » (Schirdewan, 2021).

Conclusion

Bien sûr, la gauche radicale doit aussi faire face à sa propre histoire — et elle le fait. Finalement, le consensus de base du Parti de la gauche européenne, la rupture avec le stalinisme en tant que système, a également été le résultat d’une telle confrontation.

Dans le même temps, la gauche pratique beaucoup trop peu la politique de l’histoire au niveau européen de façon indépendante, bien qu’elle puisse indiquer divers potentiels, y compris le travail antifa accompli dans de nombreux pays d’Europe. Mais ce qu’il faut renforcer dans la recherche de gauche est l’articulation entre le savoir historique d’une part, et l’analyse des développements géostratégiques actuels et des tendances mondiales fondamentales d’autre part. Être capable d’interpréter les signes des temps à partir d’une connaissance de l’histoire est une condition préalable pour développer des stratégies, des interventions, et une résistance de gauche.

Références

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