Interview de Marco Revelli

Pour un bref compte-rendu de l’assemblée nationale de L’Altra Europa cliquez ici.

Fabio Sebastiani : Dans votre introduction, vous avez affirmé qu’ « il n’y a pas plus de temps ». Selon vous, quelque chose a-t-il été accompli aujourd’hui ?

Marco Revelli : Nous avons franchi une étape très importante : Nous avons constitué un véritable subjectivité politique, au sein d’une communauté qui sait ce qui nous lie ensemble et qui est capable de parler en public et de prendre des décisions communes. Jusqu’à présent, nous étions une multitude d’individus qui se sont identifiés de manière générique avec le projet de la liste électorale Altra Europa con Tsipras et ont convenu de la nécessité d’élargir le champ et de poursuivre après les élections européennes. Aujourd’hui, nous sommes un sujet politique. Nous nous définissons comme un projet-sujet, c’est-à-dire une entité qui ne se voit nullement comme auto-suffisante, mais vit pour lancer un processus collectif qui va bien au-delà de ses parties constituantes avec l’objectif très ambitieux de donner naissance, en Italie aussi, à une maison commune pour la gauche et les démocrates. Cela implique la reconstruction de la gauche qui a disparu, à partir du bas certes, mais aussi par le haut, c’est-à-dire en travaillant sur la diversité de ses morceaux après le déluge et notre changement général de cadre ainsi que sur la mutation génétique du PD. Nous l’avons affirmé dans notre déclaration politique qui est claire sur la nécessité de renforcer la masse critique nécessaire pour ne pas se contenter de témoigner mais pour tenter et déplacer effectivement les rapports de force, en Italie et en Europe.

Parmi les questions que vous traitées se trouve la réinvention des modalités et des formes de représentation politique.

L’une des priorités que nous nous fixons est de nous intéresser aux formes de la politique et aux innovations dont elle a besoin, en étant conscients que les formes politiques du XIXe siècle se trouvent dans une crise très grave et qu’il est nécessaire d’imaginer des manières d’être et d’agir ensemble adaptées à notre époque.

Un autre point focal est la représentation des préoccupations sociales.

Il existe une prolifération d’initiatives, en particulier au cours des derniers mois. Et parallèlement à cette progression, on constate, d’une part, une fragmentation limitant énormément ces expériences et, d’autre part, une absence de représentation, y compris de représentation sociale. Ce n’est pas par hasard que Landini en a justement fait le cœur de son initiative. Nous avons accueilli avec la proposition de la FIOM enthousiasme [la Fédération italienne des travailleurs de la métallurgie – CGIL] visant à donner naissance à une coalition sociale qui remet ensemble horizontalement ce qui a été divisé. Nous sommes convaincus que c’est une condition nécessaire à un changement du rapport de forces, mais pas suffisante, car il y a toujours le problème de la représentation politique et de la façon dont le processus de recomposition sociale recoupe le processus vertical de représentation politique.

Vous êtes plutôt axé sur la situation particulière de la Ligurie, mais à part cela il semble que l’approche des élections régionales est tout à fait clair …

Nous sommes pour des listes d’union qui tranche et en contraste et intentionnel avec le PD. Il y en a beaucoup en Toscane et dans les Marches. Et il y a la Ligurie, sur laquelle je ai insisté dans mon introduction, car on y voit vraiment les conditions d’une catastrophe dans la base sociale du PD. Il existe un désaccord avec le PD, parce que nous croyons que la crédibilité d’un projet dépend aussi de ses résultats, c’est-à-dire de l’importance du consensus, également du consensus électoral, qu’il est capable de créer. L’Assemblée a adopté un amendement pour ne pas trop insister sur le rôle de la Ligurie dans le panorama global.

Que diriez-vous aux jeunes pour les convaincre de se politiser ?

C’est un problème dramatique à bien des égards, car il y a maintenant des générations perdues pour la politique et que la politique, à son tour, a dispersés et perdus. La communication avec les jeunes est bloquée par une barrière linguistique. Beaucoup de nos mots, une grande partie de notre langue et de nos catégories sont inconnus des jeunes qui sont les véritables victimes de la situation actuelle. L’engagement politique et collectif est à bien des égards un vestige du passé, mais beaucoup dépendra de ce que les jeunes, pour leur part, sont en mesure de faire en ce qui concerne les nouvelles lignes de fracture qui se présentent. Les anciens partisans avaient commencé à parler avec ma génération de 1968 essentiellement après que nous avons commencé à bouger. Nous avons découvert l’utilité de ce dialogue quand nous avons commencé à décider quels sont les ennemis et quels sont aussi nos alliés.