Protestation et alternatives au Portugal

Par José Soeiro, CUL:TRA

Le 15 septembre, près d’un million de personnes, partout au Portugal (et même devant les ambassades portugaises des grandes capitales européennes), sont sortis dans les rues pour protester contre la Troïka, les politiques d’austérité et le Gouvernement qui les applique.

La mobilisation a dépassé l’énorme manifestation exceptionnelle d’il y a un an et demi, le 12 mars 2011. Ce 15 septembre, l’appel était clair et s’en prenait à la racine du processus continu d’appauvrissement : « Que la Troïka dégage. Nous voulons retrouver le contrôle de nos vies » était le mot d’ordre d’un appel qui a regroupé environ 40 personnalités du mouvement social, de celui des travailleurs précaires, du monde culturel. Des centaines de milliers de personnes ont répondu à cet appel et se sont rassemblées au travers des réseaux sociaux.

A Lisbonne, Porto, Coimbra, ainsi que dans d’autres villes, cela a été considéré comme la plus grande manifestation depuis la parade mythique du 1er mai 1974, quelques jours après la révolution qui rendit la liberté au peuple portugais. Environ un million de personnes ont pris part aux manifestations. Une masse impressionnante de gens s’est emparée de cette protestation, de ses mots d’ordre, pour exprimer indignation et révolte contre les mesures d’austérité qui ont engendré rapidement pauvreté, chômage et dégradation des services publics à un niveau jamais vu auparavant. Les mesures récentes visant à accroître la contribution des travailleurs à la sécurité sociale et à réduire les cotisations patronales sont le plus grand transfert direct de richesse du travail au capital jamais vu. Ces mesures ont provoqué une profonde révolte dans le pays et même forcé la direction du Parti socialiste, qui a signé le mémorandum et s’est abstenue sur le budget de l’Etat du gouvernement de droite, à affirmer son opposition contre cette décision concrète et contre le prochain Budget de l’Etat. Après la manifestation d’un million de personnes, la coalition gouvernementale elle-même tremblait face à une importante perte de légitimité et de soutien populaire. Elle s’est montrée publiquement confrontée à des ruptures et des divergences sur le plan gouvernemental.

Dans ce contexte, alors que des manifestations impressionnantes exigent la chute du gouvernement des partis de droite, l’initiative d’organiser le Congrès démocratique pour des Alternatives gagne encore en pertinence et en importance. Lancé par un groupe d’acteurs sociaux et politiques, dont de nombreux syndicalistes, militants des mouvements sociaux, des militants du Parti communiste et des députés membres du Bloc de Gauche et du Parti socialiste, cette initiative a un point de départ clair et un objectif ambitieux. Le point de départ qui rassemble ceux qui ont souscrit à l’appel pour le congrès est le rejet du mémorandum avec la troïka (signé par les partis de droite et le Parti socialiste), responsable des politiques d’austérité et appauvrissement. L’objectif est de démontrer qu’il y a des alternatives concrètes et crédibles au programme politique de la troïka et à la dictature de la dette. Le congrès vise à créer un processus de rapprochement pour trouver des dénominateurs communs au sein du champ de la société qui s’oppose à ces politiques. Des réunions ont déjà été tenues dans tout le pays, autour des principaux thèmes en discussion : comment en finir avec le mémorandum, comment donner au travail la dignité qu’il mérite, quelle politique publique de l’État-providence pour lutter contre les discriminations, quelle est la place du Portugal dans le monde et pour construire une alternative européenne ?

Le 5 octobre, nous célébrons la Révolution Républicaine de 1910. 2012 sera la dernière année où cette journée sera fériée : le gouvernement a décidé que, du fait de l’austérité, ce jour ne sera plus férié à partir de 2013. Cette année, le 5 octobre sera marqué par un grand congrès où on discutera et précisera les alternatives à une politique de renflouement. C’est une étape clé pour que l’indignation se transforme en une véritable alternative.