« Pour un modèle démocratique européen de l’énergie »

Cela représente un défi considérable – et une opportunité – pour la gauche européenne. Afin de contribuer au débat en cours, Transform! a lancé un groupe de travail composé de chercheurs et de militants de toute l’Europe. L’atelier de lancement a eu lieu à Bruxelles les 18 et 19 avril.

L’atelier a débuté par une présentation faite par l’eurodéputé Neoklis Sylikiotis (GUE / NGL) sur la stratégie de l’Union de l’énergie, rendue publique par une communication de la Commission européenne au début de l’année. Elle a un triple objectif : avoir une politique énergétique commune, accroître la compétitivité et achever le marché intérieur. Le cadre stratégique de la CE se concentre principalement sur la sécurité d’approvisionnement énergétique et sur la création d’un marché concurrentiel de l’énergie – restant bien insuffisant au regard de la pauvreté énergétique. En l’état, la stratégie de l’Union énergétique est une nouvelle étape vers « la marchandisation de l’énergie au profit des monopoles et multinationales ». L’énergie est un « bien social public et doit être traitée comme tel. Une Union de l’énergie doit mettre au centre les citoyens, les consommateurs, les collectivités locales et les PME [petites et moyennes entreprises] » – en d’autres termes, elle doit inclure la démocratie.

Quatre thèmes principaux ont été au cœur de l’atelier de deux jours : l’urgence du changement climatique, une transition énergétique alternative, la démocratie et la justice sociale, ainsi que les aspects géopolitiques de l’énergie en Europe et dans son voisinage. Il a été très clair que la libération de la connaissance est la condition préalable à la mobilisation de masse en faveur d’une véritable transition énergétique qui respecte l’écosystème – sans le prendre pour acquis. Même les scénarios présentés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sont basés sur des chiffres contestés « quantifiant l’inquantifiable », ce qui conduit à de fausses représentations du changement climatique.

De fausses représentations diminuant les risques réels empêchent prise de conscience collective de l’importance de la menace sur l’humanité, et par conséquent minent la mobilisation. Cette mobilisation compromettrait la puissance des entreprises et des sociétés de combustibles fossiles, en grande partie responsables de la destruction de l’environnement. C’est donc une question hautement politique. Utiliser nos propres représentations, fondées non sur des évaluations édulcorées, mais sur des résultats scientifiques authentiques, est un défi majeur pour les mouvements sociaux et les ONG environnementales – ainsi que pour la gauche. C’est une nécessité démocratique.

En outre, la gauche ne doit pas négliger la responsabilité des classes sociales les plus élevées dans le changement climatique, car il y a une énorme contradiction entre ses causes (qui en est responsable ?) et ses effets (qui en souffre ?). Une étude exhaustive sur l’émission par classe serait un outil important dans la lutte sociale contre le changement climatique et permettrait de rapprocher la justice sociale et les mouvements pour la justice climatique. Les choses bougent dans la bonne direction, comme le montre l’exemple de la campagne européenne anti-fractionnement. Alors que les syndicats risquaient de soutenir la fracturation comme moyen d’obtenir de l’énergie meilleur marché et, ainsi, de limiter la pression à la baisse sur les salaires, des contacts plus étroits avec les mouvements sociaux ont contribué à augmenter la sensibilisation en termes de coûts sociaux et environnementaux pour les collectivités.

Avec une culture de dialogue transparent dans une perspective de bas en haut, la question de la démocratie est essentielle pour un programme de transition énergétique de gauche – à chaque étape, depuis la production jusqu’à la redistribution. La consommation d’énergie doit être considérée comme un droit et lutter contre la pauvreté énergétique doit donc être une priorité absolue. L’évolution vers un modèle européen de l’énergie plus juste, plus démocratique et moins polarisé nécessitera un investissement public massif – en d’autres termes, une forte volonté politique. À cet égard, l’éducation aux questions énergétiques et au changement climatique est d’une importance capitale.

Le groupe de travail Transform! / Akademia sur l’énergie publiera un e-book, dont le but est d’approfondir les analyses discutées lors de l’atelier de lancement. Il sera publié peu avant la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques prévue pour décembre 2015. Il participera également au Village Mondial des Alternatives, une initiative de la "Coalition Climat 21" visant à rassembler des militants, des chercheurs et des citoyens en marge de la conférence de l’ONU pour discuter de questions liées au climat dans une perspective de justice sociale et de solidarité internationale.