« Avoir Unidas Podemos au gouvernement nous a donné une meilleure protection des travailleurs durant la pandémie. »

Enrique Santiago était l’invité de la huitième séance du cycle de webinaires “Meeting the Left” organisé par transform! europe.

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Enrique Santiago est avocat, député au parlement espagnol en tant que représentant d’Unidas Podemos et secrétaire général du Parti communiste espagnol (PCE), il est aussi membre de la direction fédérale d’Izquierda Unida. En tant qu’avocat, il a joué un rôle de premier plan dans de grands affaires judiciaires tels que les cas Pinochet ou Scilingo (en lien à la pratique de la torture sous des dictatures sud-américaines) et l’affaire Bárcenas, centrée sur la corruption au sein du Parti populaire espagnol. Il a récemment collaboré aux Dialogues de La Havane sur le processus de paix en Colombie en tant que conseiller juridique. 

La crise de la pandémie et la gauche au gouvernement en Espagne

Santiago a rappelé qu’Unidas Podemos (UP) est entré au gouvernement espagnol après une pause de 80 ans, la gauche radicale étant restée constamment en dehors du gouvernement depuis la chute de la Deuxième République en 1939.

« Ce n’était pas facile, et cela a été plus difficile encore lorsque la pandémie est arrivée, alors que nous n’étions arrivés au pouvoir que depuis deux mois. Mais si cela n’avait pas été le cas, la crise sanitaire, économique et sociale aurait été payée par les personnes les plus vulnérables, comme lors de la crise précédente. »

La présence d’UP a permis de maintenir l’emploi à des taux acceptables, d’éviter le chômage de masse et d’établir le fameux « bouclier social », un ensemble de mesures destinées à protéger les individus.

Parmi les plus importantes de ces mesures, Santiago a insisté sur les suivantes :

« la protection des travailleur·euse·s, par le biais de registres réglementaires de l’emploi temporaire garantis par le gouvernement, pour les entreprises à l’activité paralysée à cause de l’état d’urgence, ce qui a permis d’éviter les licenciements (et d’aider plus de trois millions de travailleur·euse·s) ; des aides aux petites et moyennes entreprises pour compenser la réduction de leur activité ; une aide versée aux employé·e·s de maison pour la première fois de l’histoire espagnole ; la prolongation des allocations chômage antérieures à la pandémie ; l’interdiction des licenciements pour cause de maladie (que la réglementation du travail des gouvernements précédents avait autorisée) ; la suspension des expulsions de locataires ; une garantie des services de base (eau et électricité), indépendamment de la capacité de paiement ; l’octroi d’un « revenu minimum » aux familles n’ayant pas les moyens de mener une vie décente. »

La lutte contre l’extrême droite — affaire sensible

Santiago a affirmé qu’en Espagne « il n’y a pas que le problème de l’extrême droite, il y a aussi celui de la radicalisation des partis conservateurs traditionnels. L’ensemble de l’éventail de droite coopère en vue de déstabiliser notre gouvernement ».

En Espagne, raconte Santiago, la gauche s’emploie avec force à contrer l’extrême droite, laquelle est allée jusqu’à appeler à un coup d’État contre le gouvernement de coalition. La gauche opère dans quatre directions différentes : dans le domaine juridique, elle engage des poursuites contre les agissements antidémocratiques de l’extrême droite ; en matière de communication, elle se défend contre la campagne de mensonges permanents menée à coup de propagation de fake news ; sur le plan politique, elle déploie le « bouclier social » anti-néolibéral destiné à protéger les secteurs les plus vulnérables et pour endiguer les sentiments de peur et d’incertitude qui peuvent conduire à des expressions autoritaires motivées par la haine ; enfin, elle tente de bâtir un nouveau projet européen dans lequel les peuples d’Europe pourraient retrouver leur souveraineté face aux puissances économiques et, ainsi, être en mesure de construire une souveraineté partagée en rupture avec le modèle actuel, lequel répond aux intérêts du capitalisme financier mondial.

Les principaux défis de la gauche au niveau européen

« L’absence de mesures de la part de l’UE face à la crise actuelle a créé un sentiment de distance chez les Espagnol·e·s vis-à-vis de ce que représente l’Union européenne car la première réaction des autorités européennes envers le peuple espagnol a été le mépris », a rappelé Santiago. « Cela représente un défi majeur pour la gauche. Du point de vue de la gauche espagnole, le modèle de l’UE n’est pas capable de répondre aux besoins des citoyen·ne·s. »

Pour Santiago, les fonds de solidarité de l’UE ne devraient pas être encadrés par des règles néolibérales prônant la stabilité économique et financière, moins encore en pleine catastrophe naturelle comme dans la pandémie actuelle. Il faudrait davantage de politique budgétaire et moins de politique monétaire. Santiago a souligné que « nous n’acceptons pas l’idée que les pays d’Europe du Sud seraient les assistés des pays d’Europe du Nord. Le secteur industriel et productif de l’Espagne s’est trouvé démantelé du fait des priorités européennes, lesquelles ont mis ce pays au service du reste de l’Europe, avec peu de valeur ajoutée. Nous sommes en faveur de l’unité de l’Europe, mais sous contrôle populaire, non sous le contrôle d’institutions suspectes échappant au contrôle démocratique. » 

Enfin, au sujet de la gauche européenne, Santiago a déclaré que, en vue d’un programme progressiste, une vision très large des alliances est nécessaire. Il faut une large coalition de toute la gauche alternative, qui défende l’idée que le système capitaliste est extrêmement injuste et veuille aller plus loin. « Il nous faut être capables de construire de grands blocs démocratiques pour la défense des services publics, pour le respect des droits fondamentaux de tou·te·s et pour la garantie d’un développement durable ainsi que d’une économie respectueuse de la planète », a conclu Santiago.