L'austro-marxisme désigne le corps théorique marxiste développé par des cercles intellectuels liés étroitement au Parti ouvrier social-démocrate multinational d'Autriche (SDAP). Accolé de l'étiquette de « petite Internationale », l'austro-marxisme a offert un espace culturel et intellectuel aux mouvements socialistes dans l'Empire austro-hongrois des dernières décennies du XIXe siècle, et plus tard dans ses États successeurs.
Après l'éclatement de l'Empire, l'austro-marxisme a inspiré les pratiques du Parti ouvrier social-démocrate d'Autriche, un parti de masse dont l'objectif était de créer une société socialiste par des voies démocratiques. L'austro-marxisme est devenu fameux en se concrétisant au niveau municipal dans « Vienne la rouge ». Il se distançait à la fois de l'orthodoxie marxiste, du bolchevisme et, plus tard, du dogmatisme de la Troisième internationale. Ses idées ont été précisées par son représentant le plus éminent, Otto Bauer, dans un petit livre intitulé Bolchevisme ou social-démocratie, puis par Max Adler dans le court ouvrage Démocratie politique et sociale, où l'auteur défend des positions proches de celles des écrits de Rosa Luxemburg.
Dans les États qui succédèrent à l'empire austro-hongrois — Hongrie, Tchécoslovaquie, Pologne et Yougoslavie — ont émergé des partis socialistes indépendants, sociaux-démocrates et plus tard communistes, qui tous ont gardé trace de cet héritage théorique commun. L'époque de la guerre froide favorisa une réception bipolaire du marxisme. L'orthodoxie soviétique s'oppose alors au marxisme occidental, qui se réfère largement à Antonio Gramsci. La version centre-européenne du marxisme tombe dans l'oubli, et elle s'efface plus complètement encore des mémoires après l'effondrement du dénommé « socialisme réalisé ».
Dans un éditorial écrit en 1926 pour l'Arbeiterzeitung, journal du Parti social-démocrate, Otto Bauer offre à son lectorat une petite introduction à l'austro-marxisme :
« Dans la seconde moitié du XIXe siècle, un groupe de jeunes camarades travaillant en Autriche dans le milieu universitaire a commencé à se faire appeler « austro-marxistes » : Max Adler, Karl Renner, Rudolf Hilferding, Gustav Eckstein, Otto Bauer, Friedrich Adler et quelques autres. »
Dans ces quelques lignes, il ne cite que des hommes. Cependant, des femmes remarquables ont façonné le corpus théorique de l'austro-marxisme et ont contribué de manière significative à sa profondeur et à sa complexité intellectuelles. Les œuvres de Käthe Leichter, Thérèse Schlesinger, Adelheid Popp, Marie Jahoda, Hélène Bauer restent de fait encore peu connues du public académique international.
Les austro-marxistes ont dû se confronter, au long de leur époque fluctuante et changeante, à un vaste spectre de défis — par exemple à la « question nationale » dans un empire multiethnique, ou encore aux problèmes autour du rôle de l'État en économie après la crise économique de la fin des années vingt. Il leur a fallu trouver comment appliquer l'interprétation marxiste de l'histoire à des phénomènes compliqués, pour lesquels une transposition superficielle des méthodes marxistes n'était pas acceptable.
L'austro-marxisme fut internationaliste dès l'origine. Il a fourni une racine commune et un langage commun à la tradition marxiste en Europe centrale et, dans une certaine mesure, en Europe de l'Est et du Sud-Est. Inspiré aussi par Kant et Mach, l'austro-marxisme a en retour alimenté l'inspiration d'autres grandes figures intellectuelles, comme le fondateur de la théorie pure du droit Hans Kelsen, Alfred Adler ou encore Sigmund Freud.
Abrité par les universités autrichiennes, il s'est confronté à l'école autrichienne d'économie et à ses plus illustres théoriciens : Ludwig von Mises et Friedrich von Hayek. Leurs théories sont revenues sur le tout devant de la scène durant la révolution néolibérale des années 1980. Il n'est pas exagéré d'affirmer que les théories des écoles autrichiennes constituent encore aujourd'hui l'épine dorsale du néolibéralisme mondial. Les controverses entre ces deux écoles de pensée au cours des années 1920 et au début des années 1930 concernaient des questions dont la pertinence reste profondément actuelle.
La conférence marque la sortie de la traduction anglaise du livre d'Otto Bauer The Austrian Revolution (« La révolution autrichienne »), édité par Eric Canepa et Walter Baier.
9 h 30 – 10 h : Mot de bienvenue et Introduction
10 h – 10 h 30 Les grandes transformations de l'État bourgeois. Rappel de quelques innovations injustement oubliées dans la théorie politique du marxisme, Michael Krätke
10 h 30 – 10 h 45 Discussion
10 h 45 – 11 h Pause café
11 h – 11 h 30 Otto Bauer, de la critique du nationalisme à la contestation de l'ordre colonial, Jean-Numa Ducange
11 h 30 – 11 h 45 Discussion
11 h 45 – 12 h 15 Austro-marxisme et socialisme démocratique aujourd'hui, Walter Baier
12 h 15 – 12 h 30 Discussion
14 h – 14 h 30 L'autre école autrichienne, Michael Krätke
14 h 30 – 14 h 45 Discussion
14 h 45 – 15 h 30 Helene Bauer contre Ludwig Mises sur la théorie de l'utilité marginale, Dunja Larise
15 h 30 – 15 h 45 Discussion
15 h 45 – 16 h Pause Café
16 h – 16 h 30 Woytinsky, Hilferding et l'orthodoxie budgétaire de la social-démocratie dans l'entre-deux-guerres, Engelbert Stockhammer
16 h 30 – 16 h 45 Discussion
10 h – 10 h 30 Sima Marković, L'austro-marxiste qui n'en était pas un, Stefan Gužvica
10 h 30 – 10 h 45 Discussion
10 h 45 – 11 h Pause café
11 h – 11 h 30 L'héritage de la monarchie « néolibérale » : L'impact du cercle de Vienne et de l'austro-marxisme sur la Hongrie, Attila Antal
11 h 30 – 11 h 45 Discussion
11 h 45 - 12 h 15 Les ambiguïtés de l'héritage austro-marxiste dans l'entre-deux-guerres et la Yougoslavie d'après-guerre : Réceptions, adaptations et contestation des concepts, Una Blagojević
12 h 15 – 12 h 30 Discussion
13 h 30 – 14 h Marianne Pollak, Marion Löffler
14 h – 14 h 15 Discussion
14 h 15 – 14 h 45 Où sont passées toutes les femmes ?, Petra Unger
14 h 45 – 15 h Discussion
15 h – 15 h 15 Pause café
15 h 15 – 15 h 45 Käthe Leichter et les austro-marxistes : dilemme de la condition féminine et de l'intellectualité, Barbara Serloth
15 h 45 – 16 h Discussion
16 h Fin de la conférence